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Les Noms. — Les Titres. — Les Armoiries. — Les Devises.

LES NOMS. — LES TITRES. — LES ARMOIRIES. — LES DEVISES.

par Monsieur Louis dela Roque, avocat à la Cour Impériale 1860

L'usage des noms remonte à l'origine des choses; mais leur transmission héréditaire dans les familles est toute moderne.


Elle ne commence à s'établir en France qu'après l'hérédité des fiefs, passe d'abord à l'aîné des enfants qui succède à la seigneurie, et ne devient patronymique, c'est-à-dire commune à tous ceux qui descendaient d'une même tige, que vers le milieu du quatorzième siècle; jusqu'à cette époque les puînés prenaient le nom du fief qui leur était échu en partage.


« Chez les Français qui habitaient au nord de la Loire et sur lesquels l'influence romaine n'agissait pas aussi puissamment, on ne portait en général qu'un nom. A la fin du dixième siècle ou au commencement du onzième, les surnoms se multiplièrent peu à peu, mais cet usage, qui pour les rois remonte à Pépin-le-Bref, ne devint général pour les particuliers qu'au treizième siècle. Il ne s'est pas d'ailleurs introduit à la même époque dans les différentes provinces.


« En Languedoc Guillaume III prit pour la première fois, vers l'an 1030 le surnom de Montpellier, dont il était seigneur. Ce sont en général les nobles qui, dans les différentes provinces de France, ont les premiers adopté cet usage. »


Le nom des nobles dans les premiers temps n'était point héréditaire, quoique le sang, le privilège et la propriété le fussent déjà. «On voit dans la loi salique que les parents s'assemblaient la neuvième nuit pour donner un nom à l'enfant nouveau-né. Bernard le Danois fut père de Torse, père de Turchtil,

père d'Anchtil, père de Robert d'Harcourt. Le nom héréditaire ne paraît ici qu'à la cinquième génération. » Jourdain de Dourgne et Isarn de Saissac son frère, fils de feu Sicard de Puilaurens, rendent hommage à Raimond VII comte de Toulouse, le 27 novembre 1237.


A cette difficulté de retrouver l'origine d'une famille, la coutume féodale en ajoutait une autre qui n'était pas moindre, pour établir une filiation vraie, et reconnaître les personnages qui appartenaient à une même maison.


Les nobles étaient anciennement en possession de changer de nom sans la permission du prince, parce qu'en ce temps cette mutation ne faisait pas présumer qu'ils changeaient d'état. Quelques-uns prenaient le nom de leur mère ou celui de leur femme.


Les Guillaume, seigneurs de Montpellier, et les comtes de Toulouse, prenaient le nom de leur mère; ils se faisaient appeler, Raymond, fils de Douce; Raymond, fils de Faiditte; Guillaume, fils d'Adélaïs; Guillaume, fils de Béliarde, et ainsi des autres.


Pierre de France, fils de Louis le Gros, prit le nom de sa femme en épousant Isabelle de Courtenay; Robert, son frère, en épousant la fille du comte de Dreux en prit aussi le nom; Matthieu de Rouvroy, épousa Marguerite de Saint-Simon et en prit le nom; Enguerrand de Guines prit le nom de Coucy du chef de sa mère; le seigneur de Tignières quitte son nom pour prendre ceux des vicomtes de Narbonne dont il descendait par les femmes; Antoine Coiffier, seigneur d'Effiat, depuis maréchal de France, prit le nom d'Antoine Ruzé son grand oncle, seigneur de Beaulieu, secrétaire d'état.


L'histoire est remplie de pareils exemples, sans aborder le chapitre des adoptions et des substitutions autrement fécond en changements.


La confusion venait encore de ce que les noms des seigneuries étant absolument réels, quand on venait à perdre la seigneurie on en perdait le nom, ou on le conservait, suivant que l'habitude de le porter était plus ou moins ancienne. Si l'on acquérait une seigneurie plus importante ou plus considérée que celle que l'on avait auparavant, on quittait son nom pour prendre celui de la nouvelle acquisition que l'on avait faite.


La première tentative de réforme d'un abus si considérable, dans l'intérêt même de la filiation des familles, appartient à Henri II, qui voulut y remédier par son ordonnance d'Amboise du mois de mars 1555, par laquelle il « fait défense à toutes personnes de changer leurs noms et leurs armes, sans avoir obtenu des lettres de dispense et permission, à peine de mille livres d'amende d'être punis comme faussaires et privés de tout ce qui est privilège de noblesse. »


Quelques années plus tard les états de Blois, tenus en 1579, défendirent « à tous gentilshommes de signer dans les actes et contrats aucun autre nom que celui de leur famille à peine de nullité; » défense renouvelée par les états généraux assemblés à Paris en 1614, qui proposèrent dans leurs cahiers qu'il fût enjoint à tous gentilshommes « de signer dans tous actes et contrats du nom de leur famille et non de leurs seigneuries, sous peine de faux et d'amende arbitraire. »

Le désordre et l'abus ne disparurent pas entièrement, mais ils s'amoindrirent, par l'exemple des premières maisons de France qui ne dédaignèrent pas de se soumettre, d'obtenir l'autorisation du prince pour changer le nom de leurs seigneuries.


Cependant, par application du droit féodal tel que l'avait fait le plus constant usage, il était permis d'ajouter à son nom de famille celui de la seigneurie dont le patrimoine s'était accru, mais en l'incorporant d'une manière indivisible, au nom de la famille; en renonçant, pour ainsi dire, dans la contexture du nom patronymique au titre seigneurial, comme l'ont fait les Clermont-Tonnerre, les La Tour-du-Pin, les Moreton de Chabrillan, les La Rivoire de la Tourrette, les Bourbon-Busset, etc.


« Les seigneurs, dit M. Dufaure, avaient autrefois l'usage de prendre pour nom patronymique le nom de leurs seigneuries. Lorsqu'une personne devenait propriétaire d'un fief, elle ajoutait le nom de ce fief à celui que son père lui avait laissé, et les deux noms ainsi réunis, ainsi incorporés n'en faisaient plus qu'un seul pour l'avenir. Attestée par la tradition la plus incontestable et par la parole des historiens, cette coutume a été tolérée d'abord, et ensuite approuvée par la jurisprudence, et de nos jours la cour de cassation a déclaré comme une règle certaine qu'il était permis sous l'ancienne législation de changer en nom patronymique son titre seigneurial, et que le nom patronymique nouveau, ainsi adopté par le possesseur du fief, devenait le nom patronymique de la famille, transmissible de génération en génération, se conservant même après que le fief en était sorti. La seule condition exigée pour qu'une semblable modification fût possible, c'était que l'auteur de la modification, au moment où il la consommait, fût propriétaire du fief dont il prenait le nom. »


On devine aisément, au milieu de cette confusion, la difficulté grande pour les familles d'établir une filiation régulière et suivie au delà du treizième ou du quatorzième siècles.


Aussi les justifications de noblesse les plus rigoureuses, comme celles des preuves de cour ou de l'ordre de Saint-Lazare, ne remontaient pas au delà de huit degrés, c'est-à-dire à 1400 et 1350; et suivant d'Hozier « quiconque peut faire remonter sa noblesse jusqu'au commencement du quinzième siècle, peut passer à bon droit pour noble de très-ancienne extraction. »


Les auteurs du Répertoire de jurisprudence, publié en 1784, citaient comme exemple de filiation la plus ancienne, jugée par les tribunaux, celle qui fut produite par la marquise de Sailli, née Créqui, sœur du comte de Créqui-Canaples, qui voulut exercer et obtint le retrait de la terre de Douriers, vendue par la duchesse de la Trémouille, née Créqui, et dont l'auteur commun était Baudouin de Créqui, leur treizième aïeul vivant au commencement du treizième siècle.


C'était une règle établie depuis l'ordonnance d'Amboise de 1555, renouvelée dans celle de 1692, que l'on ne pouvait changer de nom de famille sans en avoir obtenu l'autorisation du roi, et cette grâce ne se refusait pas quand elle était fondée sur des motifs légitimes. Ainsi on tenait pour principe : 1° que le roi seul pouvait permettre le changement ou l'addition de nom; 2° que cette permission n'était jamais accordée que sauf le droit des tiers, qu'ils pouvaient faire valoir en s'opposant à l'enregistrement dans les cours ; 3° que le changement de nom et d'armes ne pouvait avoir lieu, même après un testament qui en imposerait la condition, lorsqu'il y avait opposition de la part des mâles portant le nom et les armes. Le droit des intéressés demeurait toujours réservé par cette formule insérée dans toutes les lettres patentes : Sauf notre droit en autre chose et l'autrui en tout.


Ces divers principes, quoiqu'il ne soit question dans les ordonnances que des noms appartenant aux familles nobles, s'appliquaient cependant également au nom des familles des particuliers.


Ils continuent d'être en vigueur dans notre législation moderne.


Sous l'ancienne monarchie, les titres étaient de deux sortes : les uns personnels comme ceux des offices, des charges de la couronne, ou des ordres de chevalerie ; les autres affectés aux terres et seigneuries.


« Les nobles prirent des titres selon la qualité de leurs fiefs : ils furent ducs, barons, marquis, comtes, vicomtes, vidames, chevaliers, quand ils possédèrent des duchés, des marquisats, des comtés, des vicomtés, des baronies. Quelques titres appartenaient à des noms sans être inhérents à des fiefs, cas extrêmement rare. »


« Comites dicti sunt nullum comitatum habentes, soloque nomine sine re participantes (3). »

La hiérarchie des titres n'a jamais été bien établie. On reconnaît cependant que la qualité de roi est plus ancienne que celle d'empereur.


« Les empereurs, dont le nom vient de commander aux armées, ont commencé aux Césars par adoption. Ils ont été élus depuis par les gens d'armes, par les villes et par tout un pays qui se mettait sous leur obéissance. »


Les ducs commandaient les armées ; ils eurent plus tard le souverain gouvernement des provinces. Ce titre était d'abord personnel, il ne passait aux héritiers qu'en vertu de lettres patentes : on les distinguait en « ducs à brevet, et ducs héréditaires. » Ils tenaient le premier rang après la dignité royale ou impériale, et faisaient partie le plus souvent de la pairie ou du sénat.


La prééminence a toujours été difficile à régler entre les princes, les marquis et les comtes. Beaucoup de principautés, même souveraines, étaient moins importantes que tels comtés, et en dé-pendaient quelquefois. La principauté n'impliquait pas toujours la suzeraineté. Les possesseurs n'avaient que le rang de la qualité réelle de leur fief. Mais depuis que principautés et comtés ont disparu, les princes ont décidément pris le pas sur les comtes.


Les marquis, chargés anciennement de la protection et de la défense des pays-frontières, venaient après les princes.

Les comtes suivaient les rois pour leur donner conseil, commander aux troupes et rendre la justice ; et les vicomtes suivaient les comtes pour les assister ou les remplacer. « II ne faut pas croire cependant que les comtes jugeassent seuls comme les bachas le font en Turquie; ils devaient prendre au moins douze hommes avec eux, tant adjoints que notables. »


Le titre de baron, que la plupart des étymologistes font dériver du latin vir, homme illustre, ou du germain bar et ber, homme par excellence, était dans l'origine un des plus illustres, et paraissait renfermer tous les autres. Il servait à désigner les grands vassaux qui relevaient immédiatement du roi, et formaient sa cour judiciaire.


« Tout le corps de la noblesse, même les pairs, était compris sous ce nom au temps de Philippe-Auguste. Le pouvoir des barons était tel que Mézeray, en parlant du départ du roi pour la croisade 1190, dit qu'avant de partir, Philippe donna la tutelle de son fils et la garde du royaume avec l'agrément des barons, acceptâ licentiâ ab omnibus baronibus. »


Peu à peu ce titre perdit de son importance. Le mot générique indiqua longtemps, et particulièrement en Languedoc, un fief considérable mouvant du roi; mais, à partir du quinzième siècle, les barons n'occupèrent que le quatrième rang dans la hiérarchie féodale.

II n'apparaît pas que les marquis, les comtes et les vicomtes eussent entre eux d'autres relations que celles de fonctions ou d'offices. Ces titres n'entraient pas dans la même famille comme conséquence l'un de l'autre, et n'étaient pas toujours en troisième ou quatrième ordre.


Quelques-uns avaient dès le dixième siècle le rang des grands feudataires de la couronne, et, sans sortir du Languedoc, nous trouvons à cette époque les vicomtes de Polignac, d'Uzès, de Narbonne, de Béziers, de Nîmes et d'Alby qui jouissaient de droits presque régaliens.


« A partir du milieu du seizième siècle il y eut des érections par lettres patentes de duchés, marquisats, comtés, vicomtés, baronies, en faveur d'illustres ou seulement riches familles. On voit par les édits de Charles IX et de Henri III qu'il fallait alors, pour l'érection d'un duché, avoir un fief de huit mille écus de rente ; pour celle d'un marquisat, trois baronies avec leurs châtellenies unies et tenues du roi par un seul hommage; pour celle d'un comté, trois baronies et trois châtellenies. » Il suffisait de trois châtellenies, ou clochers comme on disait alors, pour autoriser l'érection d'une baronie.


Mais cette règle ne fut pas toujours observée, et l'on obtenait pour beaucoup moins, avant 1789, des érections régulières de duchés et de marquisats.


L'arrêt du conseil du roi, du 13 août 1663, avait fait défense à tous propriétaires de se qualifier barons, comtes, marquis, et d'en prendre les couronnes à leurs armes, sinon en vertu de lettres bien et dûment vérifiées ; à tous les gentilshommes de prendre la qualité de messire et de chevalier, sinon en vertu de bons et valables titres ; et à ceux qui n'étaient point gentilshommes, de prendre qualité d'écuyers, à peine de 1500 livres d'amende.


Cet arrêt fut confirmé par une déclaration du 8 décembre 1698, qui ajoutait une amende de 100 florins, pour les roturiers qui auraient pris la qualité de marquis, comte, baron et autres titres honorables des terres titrées qu'ils possédaient.


Quand la plupart des anciens comtés ont eu fait retour à la couronne, le titre de comte n'a plus été qu'un titre d'honneur, et les érections nouvelles en ont été fort rares. Les autres fiefs de dignité, marquisats, vicomtés et baronies, s'obtenaient plus fréquemment, par lettres patentes ou par acquisition. Comme le titre de vicomte tenait le milieu dans cette hiérarchie, entre celui de marquis et de baron, l'usage s'établit dans les familles titrées « comtes ou marquis» de partager aux enfants, ou entre les différentes branches les titres soi-disant inférieurs de « vicomte et de baron. »


Aucun de ces titres cependant n'impliquait le dédoublement : on était « comte, marquis, vicomte ou baron » en vertu de lettres régulièrement obtenues et enregistrées, ou tout au moins par l'acquisition d'un fief érigé autrefois en pareille dignité.


L'usage, ou si l'on aime mieux, la courtoisie, reçut une espèce de consécration tacite depuis l'ordonnance du 25 août 1817 qui autorisait le fils aîné d'un duc et pair à porter le titre de marquis, et les frères puînés le titre immédiatement inférieur à celui de leur frère aîné. Nous disons consécration tacite, parce qu'il fallait encore, pour s'attribuer régulièrement de pareils titres, être le fils d'un sénateur, ou le fils d'un pair de France possesseur de majorat.


La courtoisie voulait encore, avant 1789, que l'on ne fût admis aux honneurs de la cour ou présenté au roi qu'avec un titre ; que l'on ne demandât la signature d'un souverain au bas d'un brevet ou d'une commission, pour un grade supérieur ou une fonction importante, qu'en faveur d'un gentilhomme titré. Le titre ainsi courtoisement donné restait dans la famille, parce qu'il était de maxime courtoise « qu'un roi ne peut pas se tromper. »


L'acquisition ou l'héritage d'une terre titrée donnait aussi dans les usages du monde l'investiture du titre, et autorisait la dévolution d'une branche à l'autre à l'extinction des mâles.


Il était conforme au génie de la nation et à ses usages, dit l'auteur des lettres sur l'Origine de la noblesse, que les enfants participassent aux titres dont leurs pères étaient honorés. Nous le voyons à toutes les époques de notre monarchie. Dunod de Charnage remarque que les aînés et les puînés prenaient les titres dont leurs maisons étaient honorées et les transmettaient à leurs branches, ce que La Thaumassière atteste encore d'une façon plus positive en disant que c'est une chose assez connue.


On peut juger jusqu'où l'on avait porté l'abus d'usurper les titres, par la lettre qu'écrivit M. de Clérambault à M. le Tourneur, premier commis de la guerre, le 8 juin 1748:


« La question que vous me proposez par votre lettre du 6 de ce mois, sur les lettres de marquis pour M. de Brehan, me paraît un scrupule nouveau ; car ce titre ainsi que celui de comte et de baron sont devenus aussi prodigués et aussi communs pour les militaires, que celui d'abbé pour les ecclésiastiques sans abbayes : il est vrai que les titres n'étant pas soutenus de leurs vrais fondements, qui sont des lettres patentes d'érection, registrées, soit pour le sujet, soit pour ses ancêtres, ne sont utiles que pour les adresses des lettres, et les conversations avec des inférieurs; ainsi je crois, Monsieur, que vous pouvez faire là-dessus tout ce que bon vous semblera. L'abus en est si grand depuis longtemps, qu'il serait à présent bien difficile de le réformer. Quoique, dans les règles, je ne dusse passer, pour les preuves de MM. les chevaliers des ordres, aucun de ces titres de comte, marquis, baron, etc., qui ne sont pas revêtus de lettres patentes registrées, je me trouve souvent obligé de suivre le torrent, parce que de les refuser à un lieutenant général, quand il est ainsi qualifié dans ses provisions, ce serait sembler vouloir le dégrader et en faire une affaire personnelle ; cependant, cela est, je vous l'avoue, contre toutes les règles, de même que les couronnes qu'ils mettent à leurs armes, en conséquence de ces titres imaginaires. Votre question me rappelle un bon propos sur ce sujet: Un marquis de l'espèce dont il s'agit, mécontent des plaisanteries de quelqu'un, s'échauffa jusqu'au point de le menacer de l'aller chercher dans quelque endroit qu'il pût se cacher. Le plaisant l'en défia en lui disant qu'il connaissait un endroit où certainement il ne pourrait pas le trouver.


« Et quel peut être cet endroit? dit le marquis.

— C'est dans votre marquisat, répondit le plaisant. »

En voilà assez sur cette matière, etc.. »


Tous les nobles, quelle que fût l'origine de leur noblesse, se qualifiaient gentilshommes, écuyers, ou chevaliers.


Le titre de chevalier fut d'abord essentiellement militaire et servait à désigner une dignité personnelle à laquelle on ne parvenait qu'après de longues épreuves. L'affiliation appartenait au roi ; elle passa ensuite aux grands seigneurs, puis aux simples chevaliers qui se créaient les uns par les autres, mais toujours sous le bon plaisir du roi.


Plus tard ce ne fut qu'un titre d'honneur comme celui de messire, qui s'accordait aux gentilshommes de race, ou à ceux qui possédaient les premières dignités dans l'épée ou dans la robe.


« Chevalerie était plutôt marque d'honneur que noblesse, dit Chorier; » et la qualité de chevalier ne pouvait se prendre sans usurpation si le prince ne la donnait, surtout depuis la création des ordres de Saint-Michel et du Saint-Esprit.


Les gentilshommes aspirant à la chevalerie, composaient l'escorte des chevaliers, les suivaient à la guerre, portaient leurs armes dans les tournois et prenaient les titres de page, damoiseau, varlet, écuyer, qui formaient pour ainsi dire les divers degrés d'initiation.


Dans la suite le mot écuyer fut pris comme titre de noblesse. On le trouve dans ce sens dans l'ordonnance de Blois de 1579, dans les édits du mois d'août 1583 et du mois de mars 1600. Louis XIII et ses successeurs imposèrent de fortes amendes aux roturiers qui usurpaient ce titre. Il était encore donné aux anoblis sous la restauration.


Cependant vers la fin du dix-huitième siècle, la qualité d'écuyer était devenue commune non seulement à la postérité des anoblis, mais encore aux titulaires de petites charges, et cet usage avait mis les anciens gentilshommes dans le cas de se croire obligés, ou du moins autorisés à prendre le titre de chevalier, quoiqu'il fût bien constant, que l'on ne pouvait tenir cet honneur que de la grâce particulière du souverain.


Le titre de noble équivalait à celui d'écuyer dans les pays de droit écrit, mais il n'attribuait pas les privilèges de noblesse quand il était joint au titre d'une profession , comme « noble avocat, » « noble médecin. »


Toutes les qualifications de noblesse, même les plus éminentes, se résumaient dans l'expression générique de gentilhomme, gentis homo, citoyen originaire de l'État, né libre et de parents dont la généalogie ne trahissait aucune marque de servitude ou d'assujettissement aux corvées et aux tributs personnels.


Ce titre ne convenait d'abord qu'aux nobles d'extraction, ou de toute ancienneté. Il était indépendant de la faveur des rois ou des dignités arbitraires et accidentelles. François Ier et Henri IV n'en reconnaissaient pas de plus élevé. Quand il fut pris par les descendants des anoblis, on créa l'expression de gentilshommes de nom et d'armes, pour désigner ceux qui l'avaient été de tout temps, ainsi qu'on le voit dans les statuts de l'ordre de la Toison d'Or, de Saint-Michel et du Saint-Esprit, etc. Dans le langage habituel du monde aristocratique, c'était cependant une maxime consacrée que « le roi pouvait faire des nobles, mais non pas des gentilshommes, » sans doute en mémoire de l'aphorisme de Linnaeus : Nobilitatem consequitur, sed non genus.


Sous l'empire il y eut concession de titres de duc, prince, comte, baron et chevalier, mais avec l'obligation préalable de constituer un majorat, pour rendre le titre héréditaire de mâle en mâle par ordre de primogéniture.


La restauration, tout en autorisant la noblesse ancienne à reprendre ses titres, et la noblesse nouvelle à garder les siens, conserva la loi des majorats de l'empire, et ne permit la transmission des titres concédés pour la pairie, qu'après la constitution d'un majorat dont les revenus ont été fixés par les ordonnances royales des 25 août 1817 et 10 février 1824. Elle rétablit les titres de marquis et de vicomte supprimés sous l'empire.


La loi du 12 mars 1835 a aboli les majorats et en a prohibé l'institution pour l'avenir.

On se demande quel va être, en présence de cette loi, le sort des titres impériaux ou royaux qui ne devaient devenir héréditaires qu'à la condition de la formation et de la conservation d'un majorat.


Comme nous n'avions aucune raison pour préjuger les intentions ou la jurisprudence du conseil du sceau, nous avons suivi l'usage, tout en ayant soin d'indiquer l'origine du titre pris et transmis dans une famille.


Les ornements et les symboles que l'on rencontre sur les sceaux les plus anciens se multiplièrent à l'infini, lorsque les seigneurs, réunis par les tournois et les croisades, sentirent le besoin d'adopter des marques distinctives pour se faire reconnaître dans les jeux et dans les combats; telle est selon l'opinion la plus généralement adoptée l'origine des règles du blason et de l'hérédité des armoiries.


« Quelle que fût, en effet, la variété de ces emblèmes, il était impossible que le même ornement ne parut pas sur plusieurs bannières à la fois; il fallut donc modifier la position, la couleur ou les détails accessoires d'une même figure, pour qu'on put distinguer entre eux les différents seigneurs qui l'avaient adoptée. La vanité, autant que le respect, engagea quelques familles à conserver un symbole illustré par les exploits de leurs chefs; bientôt les armoiries devinrent comme les fiefs, une propriété héréditaire qu'il fallut défendre et conserver pour la transmettre à ses descendants. Ce droit une fois consacré, les mariages, les acquisitions, les ventes et les échanges durent introduire dans les armoiries des modifications qui n'avaient rien d'arbitraire. De l'observation de tous ces faits naquit le blason qui eut comme toutes les sciences ses règles et sa nomenclature. »


Il ne faut donc pas rechercher l'origine des armoiries au delà du onzième siècle. C'est par les croisades, dit M. de Foncemagne, que sont entrées dans le blason plusieurs de ses principales pièces, entre autres la croix de tant de formes différentes, et les merlettes, sorte d'oiseaux qui passent les mers tous les ans et qui sont représentées sans pied et sans bec, en mémoire des blessures qu'avait reçues dans les guerres saintes le chevalier qui les portait. C'est aux croisades que le blason doit les noms de ses émaux azur, gueule, sinople, sable, s'il est vrai que les deux premiers soient tirés de l'arabe ou du persan, que le troisième soit emprunté de celui d'une ville de la Cappadoce, et le quatrième une altération de sabellina pellis, martre , zibeline, animal connu dans les pays que les croisés traversèrent. C'est probablement par les croisades que les fourrures d'hermine et de vair, qui servirent d'abord à doubler les habits, puis à garnir les écus ont passé dans le blason. Le nom même de blason dérivé de l'allemand blasen, sonner du cor, nous est peut-être venu par le commerce que les Français eurent avec les Allemands pendant les voyages d'outre-mer.


L'époque fixe de la transmission des armoiries n'est pas plus certaine que celle de noms de famille.


Selon les bénédictins ce fut sous le règne de Saint-Louis, vers le milieu du treizième siècle, que l'usage des armoiries se conserva dans les familles sans que cet usage fût invariable. « Isarn de Lautrec se servait pour armes en 1268, d'une croix vidée et pommetée comme celle de Toulouse; Pierre, son frère, avait une croix de Toulouse et un chef chargé d'un lion passant, et au cimier une tête d'aigle.»


Les nombreuses armoiries des rois de France prouvent que l'on ne se faisait pas faute de varier le nombre et la disposition des pièces de l'écu.


L'origine des armoiries des familles est aussi inconnue que celle de leur noblesse. Quand l'usage s'en établit, chaque maison prit les ornements extérieurs et les couleurs qui lui convenaient le mieux. On retrouve la concession de quelque pièce attribuée par la volonté du roi, comme marque d'honneur ou en souvenir d'un exploit glorieux, mais l'attribution d'armes faite par le souverain est aussi secrètement gardée, dans les archives particulières, que les lettres d'anoblissement et de légitimation. La description des armes accompagnait ordinairement les lettres patentes de noblesse et devait être enregistrée, avant le seizième siècle, en la cour des comptes de Paris. L'incendie de ce précieux dépôt historique a dû mettre bien des vanités à l'aise.


Ni les émaux, ni les couleurs, ni le nombre et la forme des pièces de l'écu ne peuvent faire préjuger l'ancienneté ou l'illustration d'une famille, à moins de concession particulière qui en détermine la date et la nature. La maxime héraldique de quelques auteurs qui donnent un privilège d'ancienneté aux armes pures et pleines, simples ou parlantes, a reçu de trop nombreuses exceptions pour être adoptée; quel écusson est plus chargé que celui de Lorraine et celui de Montmorency ?


Quelques familles ont écartelé leurs armes pour garder et perpétuer le souvenir d'une alliance, d'une substitution ou d'une prétention. L'usage vient, dit-on, de René, roi de Sicile, qui, pour se dédommager de n'être possesseur réel d'aucun des royaumes où il prétendait avoir droit, et pour annoncer ces prétentions et ces droits, écartela de Naples-Sicile, d'Aragon et de Jérusalem, vers le milieu du quinzième siècle.


Ce n'est guère qu'au quatorzième siècle qu'on voit paraître sur les sceaux les ornements accessoires de l'écu, tels que timbres et supports. On nomme supports les figures d'hommes, d'animaux, etc., qui soutiennent l'écusson à droite et à gauche; les ornements qui les couvrent sont appelés timbres, et l'on désigne sous le nom de cimier les pièces qui surmontent les casques ou les couronnes. Tous ces ornements étaient arbitraires, malgré la sévérité des ordonnances, et ne peuvent servir par conséquent à établir ou à préjuger le rang ou la dignité des familles qui les ont adoptés. Les nobles avaient seuls le droit de timbrer leurs armes ; ils en ont toujours usé selon leur fantaisie.


Les emblèmes et les devises des ordres de chevalerie commencent à être à la mode vers la fin du quinzième siècle, les devises des familles et les cris de guerre remontent au treizième siècle.

« Le nom propre de la famille, ou seul ou avec quelque addition, un exploit glorieux, une aventure singulière, le titre d'un état, d'une église célèbre, d'une ville ou d'une forteresse principale faisaient communément, suivant les bénédictins, le sujet de ces cris d'armes. Celui des rois de France était Montjoye Saint-Denis; celui de Bourbon, Bourbon Notre-Dame ou Espérance ; celui des ducs de Lorraine, Priny; c'était le nom d'une forteresse qu'ils avaient sur les frontières du pays Messin; celui des rois d'Angleterre, Dieu et mon droit, qui fut pris en 1340 par Edouard III. » Parmi les plus connus on cite ceux de Tournon : Au plus dru; des sires de Chaulieu : Jérusalem; des comtes de Sancerre : Passavant; de Chateauvillain : Chastelvilain à l'arbre d'or; de Vogué : Fortitudine et vigilantiâ; de Desmontiers : Dieu nous secoure.


Les cris de guerre, qui devaient servir de cri de ralliement dans les batailles, n'appartenaient qu'aux familles d'origine chevaleresque ; les devises étaient arbitraires et ne faisaient pas essentiellement partie de l'art héraldique; elles exprimaient un droit, une qualité ou une prétention de la personne qui les prenait ; dans les familles nobles elles étaient quelquefois une double allusion à la personne et à ses armoiries, à son rôle politique ou à son passé domestique.

C'est surtout vers le temps de l'expédition de Charles VIII à Naples, que l'usage des devises rapporté d'Italie se répandit en France. Paul Joye réduisit en art ce qui n'avait eu jusques-là d'autre règle que la fantaisie. La principale noblesse de Provence adopta pour devises les sobriquets, inventés par le roi René; ainsi : Hospitalité de d'Agoult; Grands de Porcelet, etc.

Cet usage était également répandu en Dauphiné, et faisait présumer l'ancienneté et la popularité des familles, en voici quelques exemples :

Parenté d'Alleman ; Prouesse de Terrail ; Charité d'Arces ; Sagesse de Guiffrey; Loyauté de Salvaing ; Amitié de Beaumont ; Bonté de Granges ; Force de Commiers ; Mine de Theys ; Visage d'Altvillars.


Louis XII paraît être le premier de nos rois qui en ait pris une; c'était un porc épie avec ces mots : Cominus et eminus, De près et de loin.


Une idée fausse, pourvu qu'elle ait été reçue, pouvait servir d'emblème ou de devise ; ainsi de la salamandre de François Ier, vivant dans le feu, avec ces mots : Nutrisco et extinguo : Je m'en nourris et je l'éteins.


Le P. Bouhours dit que François Ier voulut par cette devise montrer son courage, ou plutôt son amour. Nutrisco, dit-il, montre qu'il se faisait un plaisir de sa passion, mais extinguo peut signifier qu'il en était le maître, et qu'il pouvait l'éteindre quand il voulait.


Les deux femmes de François Ier eurent aussi chacune leur devise : celle de la simple et vertueuse Claude était une pleine lune avec ces mots : Candida candidis, qui signifient, dit Mézeray, qu'elle était candide et bienfaisante aux âmes candides.


Celle d'Eléonor, plus ambitieuse, était un phénix avec ces mots : Unica semper avis : Oiseau toujours unique.


Celle des Vogué, qui ont dans leurs armes un coq d'or sur un champ d'azur, avec ces mots : Sola vel voce leones terreo, était fondée sur ce préjugé que les coqs imprimaient la terreur, aux lions, par le feu de leurs yeux, la fierté de leur démarche et la liberté de leurs mouvements.


Tout le monde connaît les fières devises des Rohan et des Coucy : Ne suis ny roy, ny prince aussy, je suis le sire de Coucy ; Roy ne puis, prince ne daigne, Rohan suis.


L'explication d'une ou de plusieurs des pièces allégoriques qui meublaient l'écu servait quelquefois de devise, comme celle des Montcalm, Mon innocence est ma forteresse, qui portaient écartelé d'une tour d'argent et de trois colombes; ou comme celle des Moreton de Chabrillan, Antes quebrar que doblar, Plutôt rompre que ployer, qui faisaient soutenir la tour de leur blason par une patte d'ours. Le lion de Pierre de Bernis était Armé pour le roi; celui de la Fayolle de Mars, toujours armé pour quelque bonne cause, ne cachait pas son but : Tendit ad gloriam; ambition récompensée, d'ailleurs, par les deux palmes d'or posées en sautoir sur un chef d'azur.


La maison d'Hérail, qui portait dans son écusson un vaisseau d'or flottant sur des ondes d'argent, avait pris pour devise : Neque Carybs neque Scylla; les Sibert de Cornillon : Semper floreo, numquàm flaccesco ; c'était une allusion à la rosé d'argent tigée et feuillée de même, posée en cœur, sur un champ d'azur entre deux bandes d'or. Celles des Hilaire de Jovyac : Fayt bien et laisse dire, ou des Bouillé : Tout par labeur, étaient simples et n'auraient pas tenté nos modernes bourgeois gentilshommes.


Les rois en attribuaient quelquefois en accordant des lettres de noblesse pour rappeler les circonstances ou les motifs glorieux d'une pareille distinction ; la famille Durand, de Montpellier, anoblie par Louis XVI en 1789, pour avoir préservé son pays de la famine pendant l'hiver de 1774, reçut pour devise : Fert patriœ facilem annonam. On cite comme une belle devise héraldique celle du croissant ottoman avec ces mots : Donec totum impleat orbem; et une plus belle encore, celle de l'ordre de Malte qui lui répond, la croix entre les cornes du croissant, avec ces mots : Ne totum impleat orbem. L'ordre de Malte a disparu, mais la croix tient parole, et l'église catholique est encore le plus ferme rempart contre le despotisme et la barbarie.


L'usage des sceaux ou des armoiries, comme celui des devises, n'était pas particulier à la noblesse. « Aux quatorzième et quinzième siècles les simples bourgeois jouissaient du même privilège, parce que, peu de personnes sachant écrire, l'authenticité des actes dépendait de l'apposition du sceau; de là vient que les simples trompettes de la garnison de la cité de Carcassonne donnaient des quittances de leurs gages, sous leur sceau, comme on le voit par les originaux de l'an 1344 qui nous restent encore. »


II y a eu même des époques où on attribuait des armoiries, moyennant finance, à qui en voulait, et même à qui n'en voulait pas, surtout en 1696. A la fin du dix-septième siècle les intendants en délivraient pour vingt livres, et avaient soin d'en envoyer non seulement au mari, mais encore à la femme afin d'avoir quarante livres, pour laquelle somme ils faisaient assigner en cas de non-payement. « Les familles nobles, dit un auteur de la fin du dernier siècle, étaient plus connues autrefois par ces marques extérieures que par un nom certain. Aujourd'hui on tolère que chacun s'en fasse de telles que bon lui semble sans aucune peine que la raillerie publique. »


Est-ce à dire qu'il n'y eut dans les noms, les titres et les armoiries de la noblesse française que doute et confusion, que désordre et arbitraire? Le résultat des vérifications ordonnées par nos rois protesterait contre cette interprétation.


La possession d'un fief noble, l'usurpation d'un titre, l'attribution d'armoiries, l'adoption d'une devise, ne constituaient pas la noblesse : elle se prouvait, comme nous allons le voir, par un ensemble d'actes, de faits extérieurs, de services publics et effectifs, soumis au contrôle des magistrats préposés aux recherches et visés dans les jugements de maintenue.


Nous n'avons eu d'autre pensée que de mettre en lumière, dans l'exposition qui précède, les difficultés innombrables qu'offrait à l'investigation impartiale des commissaires du roi l'esprit d'usurpation que les d'Hozier, les Clérambault, les Chérin, les Belleguise, les Maynier, etc., n'ont cessé de condamner et quelquefois de dévoiler.

 
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